La Bataille de Rocroi par Sauveur Le Conte (1659-1694), Musée Condé, Chantilly
Naissance et jeunesse
Le Grand Condé, vers 1654-1658,
portrait par Justus van Egmont (source Wikipedia)
Louis de Bourbon, duc d’Enghien est né le 8 septembre 1621 dans l’hôtel de Condé à Paris.
L’hôtel de Condé, situé dans le VIe arrondissement actuel, fut démoli vers 1780 pour y construire le Théâtre de l’Odéon . L’hôtel à donné son nom à la rue de Condé ou il avait sa principale entrée.
Vue de la cour intérieure et de l’escalier de l’Hôtel de Condé (source gallica.bnf.fr)
À l’age de 8 ans, il entre au collège jésuite de Sainte-Marie à Bourges où il va résider au palais Jaques Coeur. Dès l’age de 19 ans il servit sous les armes.
Mariage
Soumis aux volontés paternelles, il est obligé de prendre pour épouse, le 11 février 1641, Claire-Clémence de Maillé-Brézé (1628-1694), nièce du cardinal de Richelieu (1585-1642).
Le grand amour de sa vie sera Marthe de Vigean duchesse de Fronsac (1623-1665), dont il va se séparer en 1645 et qui va passer le reste de sa vie dans un carmel.
Claire-Clémence de Maillé-Brézé (1628-1694) par Charles Beaubrun (source Wikipedia)
L’année 1643, marque le début de la prestigieuse carrière de celui qui par son talent de stratège et commandant va porter à travers les siècles le nom de Grand Condé.
C’est le 19 mai 1643, à Rocroi, que les armées de Flandre et de Picardie, commandées par le jeune duc d’Enghien, sortent victorieuses de la bataille contre la puissante force espagnole. Cette victoire est la première remportée depuis un siècle par l’armée française. Les Espagnols, jugeant la France affaiblie par la mort de Richelieu, prennent l’offensive dans les Ardennes, et une armée de 26 000 hommes met le siège devant la place forte de Rocroi. Condé, nommé commandant par la faveur de Richelieu, décide de libérer la ville. Il fait passer son armée par un défilé, fait irruption dans la plaine et met en déroute par une charge de cavalerie les troupes espagnoles. Les Espagnols perdent 15 000 hommes et cette bataille marque la fin de leur puissance militaire. Quelques mois après, le 10 août 1643, le duc d’Enghien prit Thionville coupant les Pays-Bas de L’Empire.
La reine Anne d’Autriche restitue en octobre 1643, à Charlotte de Montmorency les seigneuries de Chantilly, Gouvieux et Dammartin, que la Couronne avait confisquées en 1632, après la rébellion d’Henri II de Montmorency. La Princesse va s’attacher à faire revivre et embellir le château de Chantilly où elle avait passé sa jeunesse.
Pour le duc, les victoires s’ensuivent:
- Fribourg (3-9 août 1644),
- Nördlingen (3 août 1645),
- prise de Dunkerque (7 oct. 1646).
Son père meurt le 26 décembre 1646, et le duc d’Enghien devient le IIème prince de Condé.
En mars 1647, il part pour soumettre la Catalogne, il échoue devant Lérida (18 juin), mais le 20 août 1648, il bat l’archiduc Léopold-Guillaume et les Espagnols à Lens.
Louis II de Bourbon (1621-1686), le Grand Condé, devant une évocation de la bataille de Rocroy, d’après Juste d’Egmont (source Wikipedia)
La Fronde
En 1648, la France est gouvernée par la régente Anne d’Autriche, mère du jeune roi Louis XIV (9 ans), et son principal ministre, Mazarin (1602-1661). Le pays est engagé dans les guerres extérieures contre les Habsbourg et cet effort nécessite d’accroître les impôts. Il n’en faut pas plus pour une révolte. Le 13 mai 1648, c’est le début de la Fronde des parlementaires. La régente Anne d’Autriche feint de se soumettre avant de faire arrêter le conseiller Pierre Broussel. Le 26 août, Paris se soulève au cours d’une » journée des Barricades ». La régente doit faire libérer ses prisonniers.
À l’automne, la guerre de Trente ans se termine avec un succès diplomatique pour la France. Le 5 janvier 1649, Mazarin, la régente et le jeune roi Louis XIV, s’établissent à Saint-Germain-en-Laye, le Parlement prend en main le gouvernement, tandis que l’armée royale commandée par le Grand Condé fait le siège de Paris.
Par la paix signée le 11 mars 1649 à Rueil, les Frondeurs sont généreusement amnistiés.
La politique de rapprochement avec quelques anciens frondeurs menée par Mazarin se fait contre la famille de Bourbon (Condé, Conti et leur beau-frère Longueville, époux de leur sœur).
Le 18 janvier 1650, l’arrestation des princes de Condé et de Conti et de leur beau-frère le duc de Longueville et leur emprisonnement au château de Vincennes est un coup de théâtre. L’événement provoque le soulèvement de leurs provinces. C’est le début de la Fronde des princes (1651-1653).
Beaucoup des régions entrent en guerre contre Mazarin et l’armée royale : la Bourgogne, la Normandie, le Limousin, le Poitou, l’Aquitaine. Pendant toute l’année 1650, Mazarin accompagné par la régente et le jeune roi va essayer d’éteindre les foyers de guerre en province.
Un accord est signé pour la libération des princes et le départ de Mazarin. Le cardinal s’enfuit en Rhénanie mais il continue de gouverner la France, grâce à la correspondance avec Anne d’Autriche.
Condé, libéré constitue une armée et marche sur Paris. En avril 1652 l’armée de Condé affronte l’armée royale commandé par Turenne, qui s’était réconcilié avec Mazarin, mais l’issue est indécise. Condé se dirige vers Paris. En juillet 1652, la Porte Saint-Antoine est ouverte sur l’ordre de la Grande Mademoiselle (fille de Gaston d’Orléans) qui s’était ralliée aux frondeurs. Condé peur entrer dans Paris.
Le prince y fait régner la terreur : l’hôtel de ville est brûlé et une trentaine d’édiles, devenus favorables au roi parce qu’ils souhaitent la fin du siège, sont massacrés par des soldats déguisés en ouvriers.
Mais les parisiens, devenus entre temps, favorables au Roi aspirent à un retour au calme.
Condé, de plus en plus isolé, quitte Paris le 13 octobre 1652, il se met au service de la Couronne d’Espagne.
Le 21 octobre 1652, Louis XIV entre triomphalement à Paris.
Le cardinal Mazarin doit quitter la France et se rend en Belgique. Il retrouvera sa place à la cour en février 1653. Condé est condamné à mort mais il est gracié par le Roi.
Le retour en grâce
Par le traité des Pyrénées, du 7 novembre 1659, qui met fin à la guerre franco-espagnole, commencée en 1635, le Grand Condé retrouve ses titres et de ses biens. C’est pour le prince, coupable d’avoir combattu Louis XIV au cours de la Fronde, le début d’un retour en grâce.
Buste en bronze du Grand Condé par Antoine Coysevox (source Wikipedia)
Pendant huit ans il va vivre retiré à Chantilly où il va dédier son besoin d’action, à l’embellissement du domaine. Son plan comporte non seulement la transformation du château, mais aussi la création d’un parc immense agrémenté de pièces d’eau, de fontaines et des cascades, peuplé d’animaux et d’oiseaux, ainsi que la création d’un domaine forestier pour la chasse et la promenade. Le Nôtre était à l’oeuvre dès 1663, assisté de Pierre Desgots, de l’architecte Daniel Gittard, de jardinier La Quintinie et de l’ingénieur de Manse, qui a laissé son nom au pavillon de la machine élévatoire.
Des nouvelles campagnes éblouissantes, lors de la l’invasion des Provinces-Unies (nom porté par la partie nord des Pays-Bas de 1579 à 1795), en 1672 et la victoire de Sennef en 1674, éloignent Condé de Chantilly.
A la mort de Turenne (un coup de boulet à Salzbach, le 27 juillet 1675), le roi le nomme de nouveau commandant de l’armée et il force le redoutable prince Raimondo Montecuccoli (1609-1680) à lever siège de Haguenau et de Saverne et à quitter le sol de l’Alsace. Pour sa dernière campagne, le brillant guerrier a montré qu’il peut obtenir victoire sans livrer un sanglant combat.
Réception du Grand Condé par Louis XIV par Jean-Léon Gérôme (source Wikipedia)
À partir de 1676, Condé va se retirer à Chantilly et reporter tout son intérêt et toute son énergie à le rendre encore plus splendide. Les visiteurs s’empressent tant pour rencontrer l’hôte de ces lieux que pour voir ce beau domaine. Une petite cour se constitue.
Pour distraire ses invités et par goût personnel, Condé fait venir des comédiens, des philosophes (Bourdaloue, Bossuet, Malebranche) et des poètes (Boileau, Racine).
Passionné par la lecture, il s’attache aussi, à se constituer une bibliothèque à l’hôtel Condé à Paris.
Décès et honneurs
Le 11 décembre 1686, il s’éteint, à Fontainebleau, restant jusqu’à la fin calme, lucide, maître de lui, restant jusqu’à la fin le « Grand Condé ».
Quand Louis XIV apprit la mort de Condé, il s’exclama:
« Je viens de perdre le plus grand homme de mon royaume! »,
et le prince d’Orange, qui fut maintes fois l’adversaire de Condé sur le champs de bataille, dit à son entourage:
« Il vient de mourir le plus grand homme de l’Europe! ».
C’est sur l’ordre du roi, que Bossuet donna l’Oraison Funèbre du prince de Condé, le 10 mars 1687, à Notre-Dame de Paris. La décoration de la Cathédrale qui fut réalisée pour cette cérémonie passa pour la plus belle et la plus considérable qu’on eût jamais vue.
À sa mort conformément à la tradition, son cœur fut prélevé et transporté en grande pompe à l’église jésuite Saint-Paul-Saint-Louis, rue Saint Antoine à Paris et placé dans le monument « des coeurs des Princes de Condé », rapatrié plus tard à Chantilly dans la chapelle du château.
Le 23 décembre, son corps fut inhumé dans le caveau des Condé, dans l’église de Vallery (89150), à côté de son père Henri II de Condé.
Intérieur de l’église Saint Thomas de Cantorbéry (mairie-de-vallery.fr/patrimoine/)
Descendence
Louis II de Bourbon Condé et son fils Henri-Jules, duc d’Enghien par Juste d’Egmont (1602–1674) et Pierre Mignard (source Wikipedia)
Sa femme mourra en 1694, à Châteauroux, où elle vivait exilée depuis 1671, et bien que les rumeurs attribuent cet exil à un « faux pas », les antécédents familiaux laissent croire que l’état de sa santé mentale était très dégradé.
Ils ont eu trois enfants: Henri-Jules de Bourbon (1643-1709), Louis de Bourbon (1652-1653), Melle de Bourbon (1657-1660).
Son fils, Henri-Jules était hautain, violent et sujet à des fantaisies bizarres jusqu’à se croire lièvre, plante ou chauve-souris, mais respecta le souhait de son père et il fit édifier l‘église Notre-Dame de Chantilly, de 1687 à 1691.
Les armes des princes de Condé: d’azur aux trois fleurs de lys d’or et au bâton péri en bande de gueules en abîme.